Interview découverte Clod
Seul ou en vélo, Clod nous propose des illustrations colorées qui nous interrogent sur notre place dans ce monde. Souvent un seul personnage est plongé dans une scène de la vie quotidienne et se retrouve « abandonné » là.
Qu’est-ce qui vous interrogera le plus : la taille du personnage, ridiculement petit face à son univers, ou bien l’absence des autres hommes qui nous interpelle forcément, nous les animaux sociaux !
Dans tous les cas, ces œuvres sont très agréables à regarder et la naïveté apparente ne doit pas cacher leur grand intérêt.
Découvrez l’interview de l’illustrateur Clod sur PapaPaper :
Raconte-nous ton parcours artistique ?
Je suis autodidacte. Je ne le revendique pas, mais je considère que c’est moteur de mon point de vue. En tant qu’autodidacte je pense avoir développé plus que les autres le syndrome de l’imposteur. Du coup, je suis constamment en quête de reconnaissance, c’est un peu pénible à vivre, mais ça me pousse à explorer sans cesse de nouvelles voies, de nouvelles expériences. Mais surtout je suis absolument PASSIONNÉ par mon métier et par les images en général. J’ai envie de tout connaître, de tout comprendre et je prends un malin plaisir à décortiquer les processus de création, du moins les miens. Il m’arrive encore maintenant, après une quinzaine d’années d’expérience de comprendre tout à coup comment je fonctionne sur tel ou tel aspect de mon métier. Depuis quelques mois d’ailleurs j’ai commencé à écrire des petits articles sur mon site [lien vers : http://www.clod-illustrateur.fr/] qui parle de ma façon d’aborder mon métier d’illustrateur.
Décris ta première œuvre dont tu es fier ?
Avant de devenir illustrateur, j’ai produit quelques albums de bandes dessinées. Je crois que mon premier émois en tant que dessinateur est l’adaptation du Procès de Kafka en bande dessinée (scénario Céka – édition Akiléos). Le livre a d’ailleurs été réédité l’année dernière. Le Procès est une œuvre exigeante et universelle. A l’époque où j’ai dessiné ce livre en 2006, j’ai eu le sentiment de pouvoir exprimer pleinement ma créativité, tant au niveau graphique qu’au niveau intellectuel. Aujourd’hui, quand je parcours les pages de cet album, ça me pique les yeux car j’y vois tous les défauts de jeunesse. Mais j’ai beaucoup de tendresse pour ce moment important de mon parcours professionnel. Je me suis ensuite consacré à 100% à l’illustration, activité où je m’épanouis pleinement aujourd’hui. Si je suis fier de cette première « œuvre », j’ai ensuite eu quelques moments de fierté tout aussi forts tels que ma collaboration avec l’Imagerie d’Épinal, sans doute aujourd’hui la plus ancienne institution française en rapport avec l’illustration, ou encore le fait d’illustrer régulièrement des articles pour le Parisien.
Plutôt crayon, pinceau ou stylet ? Sur papier, sur toile ou sur écran ?
D’un point de vue technique, j’ai deux façons d’aborder les choses. D’une part, la palette graphique et Photoshop pour les créations de commandes ou les projets personnels, telles que les séries développées pour PapaPaper. D’autre part, crayons de couleurs et carnet de dessins pour les croquis que je pratique à mes heures perdues, en voyage, à Paris, dans les musées, dans les rues… Les deux approches se nourrissent l’une de l’autre. J’ai besoin de temps en temps de retrouver le plaisir du dessin pur, mais aussi d’avoir la souplesse de la palette graphique afin de répondre aux exigences professionnelles actuelles.
La musique que tu écoutes en travaillant ?
J’écoute beaucoup en travaillant, beaucoup de musique et beaucoup de radio, notamment des podcasts. La musique pour les moments où je dois faire fonctionner mon cerveau, trouver des idées et radio pour les moments plus détendus, où je peux vraiment écouter ce qui se dit. Je suis un grand amateur de radio. J’ai des grands moments d’émotions en l’écoutant, ce média me transporte vraiment. Et surtout j’apprends énormément en écoutant la radio, les podcasts ou des conférences. Pour la musique je suis parfaitement capable d’écouter Charles Trenet au réveil, Keith Jarret le matin, Joy Division le midi, les nocturnes de Chopin au goûter et J. Cole le soir. Bref, j’écoute à peu près de tout, ça dépend de mon humeur.
Couleurs pâles ou saturées ?
J’ai un faible pour le bleu-vert sous toute ses tonalités, mais j’aime les couleurs gaies et fraîches sans aucun doute. Du moins c’est ce que j’essaie d’influer dans mes illustrations. J’utilise souvent une gamme de couleurs réduites. Quand je commence une illustration, je sélectionne trois ou quatre couleurs maximum qui me serviront de base. J’aime beaucoup travailler avec peu de couleurs, je trouve que ça rend les illustrations « graphiques ». Mais la vraie raison de ceci, c’est qu’au-delà de quatre couleurs, j’ai l’impression de perdre le contrôle de mon travail et ça me… stresse !!!
Thé ou café ?
J’attaque ma journée avec du café, je ne peux pas faire autrement, l’odeur, le goût, la force du café… bon sang que c’est bon le matin ! Je garde le thé pour le tea time, avec un faible pour Lapsang Souchong, ce thé noir fumée de Chine.
Cerveau droit (créativité) ou cerveau gauche (raison / réflexion) ?
A mon grand regret, je pense être du côté du cerveau gauche (raison/réflexion). J’intellectualise tout ce que je fais et par conséquent, tout ce que je crée. J’ai un besoin de maîtriser tout le processus de création, ce qui fait mes illustrations sont, comme j’ai l’habitude de le dire, « bien rangées » (rire). Mes illustrations sont claires et on comprend tout de suite de quoi je parle. L’avantage c’est que j’ai l’esprit de synthèse idéal pour un travail de commande ou je dois trouver des idées qui répondent concrètement à des problématiques à illustrer. L’inconvénient c’est que j’ai du mal à lâcher prise, ce qui est clairement un frein à la créativité. Mais bon, je me soigne, du moins j’essaie.
PapaPaper fait des miracles, avec quel artiste voudrais-tu dîner ?
S’il y a un dessinateur que je place au-dessus de tous les autres en France, c’est Jean-Jacques Sempé. J’admire la façon simple qu’il a de raconter une histoire en une seule image et avec une économie de moyen incroyable. Et qui plus est, avec un charme fou et beaucoup de poésie. Quand je regarde un dessin de Sempé qui montre un instant précis d’une histoire, j’imagine parfaitement ce qui s’est passé avant et ce qui va se passer après, j’imagine parfaitement qui sont les personnages, quelle sont leurs vies et tout ceci en une seule image. Il permet au lecteur d’être acteur de ce qu’il raconte, il nous rend « intelligents » en nous considérant capables d’imagination. Et si demain je devais me retrouver à dîner avec lui, je ne pourrai rien avaler, rien dire, paralysé par tant de génie.
Louvre ou Moma ?
Je suis Moma, car les artistes correspondent beaucoup plus à mes aspirations graphiques. Mais je suis Louvre pour l’histoire de l’art, les départements des antiquités et arts de l’Islam, qui regorgent de pépites graphiques en tous genres.
Dans tes rêves les plus fous, où aimerais-tu voir exposer tes œuvres ?
Il y a tant de lieux ou être exposé serait gratifiant. Bien sûr, les grands musées comme le Moma, le Louvre, le Centre Pompidou, et j’en oublie. Mais le plus intéressant à mon sens serait peut-être des lieux, pas forcément en relation avec l’art, car comment s’en tirer quand on est exposé entre un Picasso et un Matisse ? Je suis capable de me contenter de beaucoup moins prestigieux, fort heureusement d’ailleurs.
Quelle est la qualité que tu préfères ?
J’admire la curiosité intellectuelle et l’esprit critique.
Quel est le défaut pour lequel tu as le plus d’indulgence ?
La gourmandise, si tant est qu’elle serait un défaut. J’aime cuisiner et donc manger.
Ta phrase ou dicton préféré ?
« Rien n’est grave puisque tout passe » Eugène Ionesco, dans le Solitaire.
« Je n’espère rien, je ne crains rien, je suis libre » Nikos Kazantzaki, tout le contraire de ce que j’arrive à faire, hélas !